Katsuhiro Harada est le papa historique de la licence Tekken. Véritable légende vivante du jeu de combat, j’ai eu le plaisir de pouvoir lui poser quelques questions à l’occasion de sa promotion de Tekken 7 à l’E3 2016. Et derrière les lunettes noires et la posture sévère du maître se cache un vrai personnage plein d’humour et auquel j’ai tenté de soutirer quelques secrets de fabrication…
Couple of Pixels : Concernant l’inclusion d’Akuma en tant que personnage jouable dans Tekken 7. Est-ce que vos designers ont reçu beaucoup de liberté pour l’intégrer « à la Tekken » ou bien les gens de Capcom ont été très protecteurs avec leur personnage ?
Katsuhiro Harada : Nous avons bénéficié de beaucoup de liberté, probablement parce que lors du développement de Street Fighter X Tekken, nous leur avons donné également un feu vert créatif. Du coup, nous avons été très indépendants dans la création d’Akuma dans sa version Tekken, que nous avons complètement créé de zéro. Ils ont d’ailleurs dû être probablement un peu surpris chez Capcom de nous découvrir sur scène pendant la conférence E3 de Microsoft avec Akuma car ils n’étaient pas au courant.
CoP : Etait-ce difficile d’équilibrer le gameplay d’Akuma avec son style Street Fighter dans un jeu comme Tekken ?
KH : L’équilibrage n’a pas été un trop gros problème. Beaucoup de joueurs pensent que c’est une difficulté à cause des boules de feu et du combat à distance mais c’est une caractéristique qui était déjà présente dans Tekken sous une forme ou l’autre. Non, la plus grande difficulté a été d’adapter l’animation du personnage vers un jeu 3D. Cela ne parait pas forcément difficile mais ce fut un vrai challenge de lui donner un bon feeling 3D aussi bien visuellement que dans sa maniabilité.
CoP : Toujours concernant Akuma, quelle est la justification scénaristique à son apparition dans Tekken et plus globalement, cela signifie-t-il que Tekken et Street Fighter font partie d’un même univers ?
KH : Concernant la raison pour laquelle Akuma apparaît dans Tekken 7, je préfère ne rien dire et laisser les joueurs la découvrir par eux-mêmes. Concernant le lien entre les deux univers, nous n’avons pas réfléchi à une intégration des deux univers en tant que telle. L’arc scénaristique d’Akuma est assez séparé du reste du jeu et tourne vraiment autour d’Akuma. Donc, son intégration a du sens dans notre histoire mais il ne faut pas aller chercher de liens plus profonds entre les deux univers.
CoP : Tekken 7 est déjà sorti depuis longtemps sur borne d’arcade au Japon. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour sortir le jeu sur consoles ?
KH : C’est assez difficile de répondre sans expliquer le contexte historique des jeux d’arcade. Pendant longtemps, cela a été la norme de sortir nos jeux d’abord sur Arcade. C’était le cas au Japon, dans le reste de l’Asie mais aussi en occident, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe. Nos jeux étaient testés en Arcade et nous utilisions le feedback des joueurs pour préparer la sortie sur consoles plus ou moins un an après la sortie en Arcade.
Récemment, cette manière de travailler a un peu disparu avec de grandes franchises qui ont choisi de sortir leurs titres directement sur consoles. Parfois, cet abandon de l’arcade était aussi dû à un certain désintérêt des joueurs Arcade pour une licence donnée, ce qui n’est pas le cas de Tekken qui reste très populaire en Arcade.
Le but d’une sortie arcade n’est pas forcément de gagner de l’argent mais plutôt de rencontrer la demande des fans et de recevoir leur feedback pour proposer un meilleur jeu lors de sa sortie sur consoles. Donc, cette sortie Arcade n’est pas vraiment un choix de notre part, nous avons simplement la chance de pouvoir continuer à appliquer le modèle de sortie que nous avons toujours appliqué sur la licence Tekken et donc une sortie Arcade avant la sortie sur consoles.
CoP : Comment voyez-vous l’avenir de Tekken dans le domaine de l’e-Sport ?
KH : L’e-sport est particulièrement populaire pour l’instant mais les jeux de combats sont apparus bien avant que l’e-sport ne soit aussi populaire et la communauté des fans de jeux de combats a toujours organisé ses propres tournois et nous espérons que cela va continuer. Nous réfléchissons à l’organisation de tournois officiels mais ce n’est pas quelque chose dont nous pouvons parler pour l’instant. Nous soutiendrons également les joueurs les mieux classés en ligne pour leur donner toute l’aide dont ils auraient besoin.
CoP : A la Paris Game Week, l’année dernière, vous avez annoncé le support du Playstation VR. Pouvez-vous nous en dire plus ?
KH : Nous ne pouvons pas en dire beaucoup plus mais ce que je peux dire, c’est que Tekken restera toujours Tekken. Il faut voir l’intégration de la VR comme un bonus. Beaucoup de gens pensent que la VR, c’est génial et en effet, imaginer un jeu de combat à la première personne avec toutes les fonctionnalités que l’on connait dans les jeux de combats mais avec l’immersion en plus, c’est intéressant mais il y a encore beaucoup à faire pour proposer quelque chose d’aussi abouti.
CoP : Le choix des combattants dans un jeu de combat est primordial. Comment se déroule le choix de quel personnage sera inclus dans le jeu final et lequel ne sera pas inclus. Est-ce un choix « démocratique » de toute l’équipe ou plutôt un responsable qui fait le « cut » à lui tout seul (Le traducteur pointe Harada-san du doigt avec un sourire) ?
KH : (rires derrière ses lunettes noires) Étonnement, non, je ne fais pas le choix tout seul. Mon opinion est juste un des éléments qui sera pris en compte dans tout le processus de sélection. Nous essayons d’identifier la popularité des différents personnages. Ainsi un élément important est le nombre de fois qu’un personnage donné est choisi dans la version Arcade du jeu. Mais nous prenons en compte également la popularité des personnages en dehors du jeu, comment ils sont perçus dans la communauté, etc.
CoP : Une dernière question sur les personnages. A chaque jeu, de nouveaux personnages font leur apparition et ils viennent souvent du monde entier. Où trouvez-vous l’inspiration pour tous ces personnages ?
KH : L’inspiration est très variable. Nous voyageons énormément et parfois au cours de ces voyages, nous pouvons cerner un peu mieux une communauté, une région du monde et venir avec un concept de personnage grâce à cette interaction. Parfois, c’est tout simplement car nous avons une idée bien précise d’animation que l’on voudrait intégrer à un personnage. D’autres fois, nous cherchons un concept de personnage qui pourrait intéresser une communauté précise de nos joueurs (par exemple, un personnage plus destiné aux garçons ou plus destiné aux filles). L’inspiration peut donc être assez variée.
CoP : Vous devriez venir en Belgique alors pour que nous ayons un personnage belge dans le prochain Tekken…
KH : (rires) oui, ce serait un bon concept…
CoP : Merci beaucoup.
Quantic espère donc ardemment que sa rencontre avec Harada-san l’ait tellement marqué qu’un nouveau personnage belge fera son apparition dans le prochain Tekken inspiré par son illustre personne… Ben oui, un personnage qui mange des frites et boit de la bière, ce serait cool, non ?
Et pour les fans de Harada-san et de Tekken en général, quoi de mieux pour profiter de son jeu préféré que de bourriner rageusement les boutons d’une borne d’arcade. Chez ArcadHeavy, les trois premiers jeux Tekken sont jouables mais pas seulement puisque le système de jeux ArcadHeay livré avec leurs bornes donne accès à près de 1300 jeux. Que vous soyez fans des grands classiques comme le premier Tekken ou de jeux moins connus mais qui ont peut-être bercé votre adolescence, il est possible de trouver son bonheur sur une borne arcade Tekken.
Nous-mêmes, nous possédons une borne d’arcade munie d’un système de jeux similaires. Le plaisir de redécouvrir les grands classiques du jeu d’arcade est immense. Si comme nous, vous n’êtes plus tout jeunes (mais pas encore vieux) et que vous avez connu cette époque, posséder une borne de ce type est un véritable rêve qui devient réalité.
Sur ce type de bornes, peu de soucis techniques à prévoir car il ne s’agit pas d’une borne d’époque autrement plus coûteuse et difficile à entretenir mais à moins d’être un puriste de l’extrême, le bonheur de retrouver les sensations de sa jeunesse à un prix modéré est incomparable. Et si en plus, on peut se mettre sur la figure avec ses amis dans Tekken, que demander de plus ?