La semaine dernière, j’ai eu la chance de participer à un event spécial consacré à Until Dawn. A la veille de la sortie du jeu, voici donc un bref compte-rendu de cette journée ainsi que mon interview de Steve Goss, Design Director chez Supermassive Games…
Avant toute chose, les plus pressés peuvent encore relire ma preview complète d’Until Dawn réalisée sur une version reprenant environ 3 heures du jeu. Mon test, quant à lui, sera publié dans les prochains jours. Vous pouvez aussi lire mon déballage du kit presse d’Until Dawn reçu lors de cet event.
Après une grosse heure de route, je découvre une magnifique maison perdue dans la campagne. Un décor qui est bien en accord avec l’ambiance d’Until Dawn. Bon, il manque l’obscurité, la tempête de neige et surtout Hayden Panettiere (la cheerleader de « Heroes » et star d’Until Dawn) mais l’effort de Sony pour nous mettre dans le bain est palpable.
Surtout que des mini-jeux nous attendent dans des pièces décorées de manière plutôt « lugubre ». Prenant notre courage à deux mains, mes compagnons d’aventure (Voltxs et Bababaloo) et moi-même arrachons sans hésitations les lampes de poche pour affronter nos peurs les plus primales. Traduction : on a fait un peu dans notre culotte… juste un peu.
Il était aussi possible d’essayer deux courtes démos du jeu mais ayant déjà pu jouer longuement à ce titre lors de ma preview en Juillet, je ne peux pas dire que j’ai appris grand-chose. Ma preview détaillée suffit largement à décrire mon excellent feeling face à ce jeu. Et comme j’ai pu jouer à la version complète ces derniers jours, je peux déjà vous confirmer tout le bien que je pense d’Until Dawn… mais chut, ce sera pour mon test.
Vous pouvez trouver dans cet article quelques photos de cet event particulièrement réussi.
Mais maintenant, place à mon interview de Steve Goss, Design Director chez Supermassive Games et vieux routard du jeu-vidéo puisqu’il compte déjà 27 ans de carrière au service de nombreux développeurs : Eidos, Electronic Arts, Crystal Dynamics, Microsoft, Lionhead ou encore Microprose. Bref, une belle carte de visite pour un vrai passionné du jeu-vidéo.
Couple of Pixels : Tous les personnages du jeu peuvent survivre ou mourir mais combien de fins différentes sont possibles ?
Steve Goss : Il y a beaucoup de combinaisons possibles. Mais ce qui nous importe le plus, c’est l’aventure que les joueurs vont vivre. Il y a énormément de chemins différents qui vous amèneront à la fin du jeu. Chaque personnage ne peut mourir qu’une fois mais il peut mourir de plusieurs manières différentes. Emily, par exemple, peut mourir à plusieurs moments dans le jeu ou bien survivre jusqu’à la fin.
Les possibilités sont donc multiples et le plus important pour nous n’est pas la fin du jeu en elle-même mais la manière dont le joueur vit l’aventure. Si on raisonne en terme cinématographique, chaque partie est un film unique, un film que vous créez sur base de vos décisions.
Nos décisions influencent la suite de l’aventure mais aussi la manière dont nous réagissons. Nous pouvons être gentils avec les autres ou au contraire moqueurs ou méchants et cela modifiera la relation entre les personnages et les évènements futurs. L’important n’est donc pas la fin et qui survit ou qui meurt mais les événements que le joueur aura vécu pour arriver à cette fin.
CoP : Vous avez travaillé avec des acteurs hollywoodiens promis à un bel avenir. Comment s’est passé le « tournage » ?
SG : Excitant, terrifiant aussi mais surtout épuisant en termes d’organisation. Parvenir à rassembler les acteurs entre leurs différentes obligations et leurs séries télés en cours était vraiment un cauchemar logistique. Mais notre équipe avait déjà une certaine expérience dans le travail avec les acteurs et notre choix de travailler avec eux était délibéré.
Un cast aussi talentueux apporte tellement à la qualité générale du jeu. Ce sont d’excellents acteurs qui contribue au réalisme mais aussi à l’aspect cinématographique du jeu. Les joueurs vont reconnaitre des acteurs qu’ils connaissent et cette impression de familiarité était aussi quelque chose que nous recherchions.
Technologiquement, c’était aussi un vrai challenge. Réussir à reproduire le visage des acteurs de manière à ce qu’on les reconnaisse n’a pas été chose facile mais je pense que nous avons réussi. Nous avons dû inventer nos propres outils pour y arriver.
Bien entendu, le tournage s’est déroulé aux États-Unis où nous devions réussir à rassembler le cast, à les remettre dans leur personnage, à les diriger, etc. Et puis, de retour en Angleterre, il fallait reproduire la scène avec nos doublures car chaque scène dispose d’une douzaine de versions différentes. Des personnages différents, des dialogues différents, des événements qui modifient la scène en fonction des relations entre les personnages. C’est vraiment horriblement compliqué à mettre en place afin d’obtenir une histoire continue.
Un exemple que j’aime bien : a un moment donné, vous devez faire un « high five » à un autre personnage et si vous le ratez, vous devriez voir l’expression du personnage qui prend un vent… Rien que cette expression vous dit tout sur l’état des relations entre ces personnages.
CoP : Avez-vous échangé des conseils ou simplement discuté avec Quantic Dream, ils font un peu le même genre de jeux que vous et doivent faire appel à des technologies similaires ?
SG : Pendant un an, j’ai voyagé dans le monde afin de découvrir toutes les technologies existantes relatives à la Motion Capture, à la Performance Capture ou à la capture faciale et nous avons finalement utilisé une solution vraiment unique. Il n’y a pas de solution toute faite, il a fallu créer une équipe multidisciplinaire et une approche neuve. Bien entendu, certains éléments technologiques étaient disponibles, par exemple, nous avons utilisé le moteur de Killzone comme base mais l’ensemble de notre approche a été bien plus compliqué et ne s’est jamais vu auparavant.
CoP : Ok, donc vous n’avez pas du tout été en contact avec Quantic Dream ? C’était pourtant possible puisque vous travaillez tous deux sur des titres exclusifs PS4…
SG : Non, c’est resté séparé. Les membres de notre équipe avaient déjà une certaine expertise sur différents domaines mais notre solution est totalement originale. Pour résumer, c’est compliqué, c’est difficile mais qu’est-ce que c’est amusant.
CoP : Quels sont les films/jeux qui vous ont inspiré pour créer Until Dawn ?
SG : Comme vous pouvez l’imaginer, nous avons regardé une tonne de films d’horreur. Et tant mieux parce que j’aime les films d’horreur. Mais nous nous sommes surtout concentrés sur le genre post-moderne comme Scream, I know what you did last summer ou Final Destination. C’est le cas aussi de nos scénaristes qui connaissent ce genre de film sur le bout des doigts. Ils peuvent donc facilement les décortiquer et nous proposer une histoire surprenante qui sort du slasher « classique ».
Nous avons essayé de donner à Until Dawn plusieurs niveaux de lecture. Il y a des choses qui sautent aux yeux de tout amateur du genre mais, si vous êtes attentif, vous pourriez bien découvrir tout à fait autre chose que ce qu’un slasher movie propose d’habitude.
CoP : Comme vous le dites, il y a énormément d’histoires différentes et d’aiguillages qui orientent l’histoire. Comment s’est déroulée l’écriture du scénario ?
SG : C’est un processus très compliqué et totalement différent de la création d’un scénario plus classique. Nous avons défini une structure basique du jeu, une sorte de canevas général décrivant les éléments clés de l’histoire et du gameplay mais nous n’avons pas écrit une seule ligne du scénario, un seul dialogue. Nous n’avons pas non plus réfléchi aux personnages, à leur caractère ou à leur motivation.
Ce travail a été confié à nos scénaristes, qui sont de vrais spécialistes des films d’horreur. Ce sont eux qui étaient capables de donner naissance à des personnages vraisemblables. Ils ont créé des personnages en apparence classique pour le genre du slasher (le sportif, le geek, la peste, la fille sexy, etc) et les ont mis dans des situations que l’on connait bien. Mais leur grand défi a été de réussir à nous faire aimer des personnages pas forcément sympathiques au premier abord. Au point que l’on se sent un peu triste quand ils se font tuer… alors que 20 minutes avant, on les détestait.
Finalement, il n’y pas un grand script mais une tonne de petites scènes intermédiaires qu’il a fallu écrire dans de nombreuses variations en fonction des relations entre les personnages ou des évènements antérieurs. Nos auteurs ont donc développé leur connaissance des personnages à l’extrême afin de pouvoir réécrire une même scène de nombreuses fois avec quelques variations au contexte de la scène.
CoP : Y-a-t-il des DLC ou du contenu épisodique de prévu ?
SG : Nous ne ferons pas de DLC car Until Dawn est une histoire complète. Il existe un chapitre bonus, réservé aux précommandes et même s’il n’est pas indispensable à l’histoire, il apporte un éclairage plus approfondi sur les relations entre les personnages.
En plus, notre histoire est décomposée en 10 chapitres donc il y a déjà une sorte de contenu épisodique, sauf que vous avez l’histoire complète quand vous l’achetez.
CoP : J’ai compris qu’il n’est pas possible de recharger une sauvegarde pour changer une décision, pouvez-vous nous en dire plus ?
SG : Oui, quand une décision est prise, elle est prise et il faudra recommencer une partie depuis le début pour essayer autre chose. Nous voulions que le joueur soit impliqué à 100% dans son histoire et dans les conséquences de ses décisions. Si on donne la possibilité de constamment revenir en arrière, cela donne l’impression qu’il y a une bonne manière de jouer et une mauvaise. Et ce n’est pas le cas. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises histoires, il y a juste des histoires différentes.
De plus, nous avons essayé de donner un feeling du type « 6ème sens » à notre jeu. La première fois que vous voyez ce film, vous n’avez pas saisi l’idée. La seconde, vous découvrez tout ce que vous avez raté et la troisième, vous le regardez avec un ami, juste pour observer ses réactions.
C’est un peu la même chose dans Until Dawn. La première fois, vous découvrez l’histoire de ce qui ressemble à un Slasher movie. Mais la seconde, vous réfléchirez et vous vous direz, hum, je vais faire les choses autrement et cela pourrait être surprenant.
Notre histoire n’est pas construite sur une simple décision qui, à elle seule, change totalement la suite du scénario. C’est plutôt une accumulation de décisions qui, petit à petit, vont mener l’histoire dans une direction ou une autre. C’est pourquoi nous avons repris l’effet papillon dans notre communication. Une petite décision insignifiante peut être le prémisse d’une catastrophe (ou pas) à la fin du jeu mais ce n’est pas un simple choix binaire qui oriente l’histoire.
Donc, il y a une vraie rejouabilité dans Until Dawn mais le plus important pour nous, c’est que vous jouiez votre propre histoire.
CoP : Pourquoi avoir choisi le thème du slasher movie ?
SG : Nous sommes fans des films du genre, bien entendu mais ce n’est pas le seul élément. C’est un genre très codé où les joueurs s’attendent à ce qu’il se passe des choses biens précises. Ou plutôt, ils pensent le savoir. L’idée était de choisir un genre très codé, très connu pour pouvoir le reconstruire à notre guise et surprendre les joueurs.
CoP : Merci beaucoup.
SG : Merci à vous.
Enfin, nous avons bien essayé d’arracher le numéro de téléphone d’Hayden Panettiere mais, même si Steve Goss a confirmé qu’il l’avait sur lui, il ne pouvait pas nous le donner… Il fallait bien essayer 😉
Until Dawn sera disponible en exclusivité sur PS4 dès ce mercredi 26 Août.
Content de prolonger mon experience Until Dawn à la lecture de ton interview ^^
Le Game Désigner ne manquait pas de charisme et on sent bien qu’il l’aime son jeu et il a raison, j’ai personnellement adore et je me suis permis de lier ton interview dans mes impressions.
Fort sympa cet event !! Le lieu, l’ambiance, ça devait être surprenant et flippant 🙂
L’interview permet d’en apprendre plus, c’est passionnant.
Merci pour ce compte-rendu Quantic.
il faut savoir que ce jeu a était tourné avec de vrai acteur ancré dans le jeu et sa c’est quelque chose que nous avons fait de mieux